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dans la fosse d’Ophelia et piétine furieux sur ce cercueil. Coups d’épée à Polonius, coups d’épée à Laërtes, coups d’épée à Claudius. Par moments son inaction s’entr’ouvre, et de la déchirure il sort des tonnerres.

Il est tourmenté par cette vie possible, compliquée de réalité et de chimère, dont nous avons tous l’anxiété. Il y a dans toutes ses actions du somnambulisme répandu. On pourrait presque considérer son cerveau comme une formation ; il y a une couche de souffrance, une couche de pensée, puis une couche de songe. C’est à travers cette couche de songe qu’il sent, comprend, apprend, perçoit, boit, mange, s’irrite, se moque, pleure et raisonne. Il y a entre la vie et lui une transparence ; c’est le mur du rêve ; on voit au delà, mais on ne le franchit point. Une sorte de nuage obstacle environne Hamlet de toutes parts. Avez-vous jamais eu en dormant le cauchemar de la course ou de la fuite, et essayé de vous hâter, et senti l’ankylose de vos genoux, la pesanteur de vos bras, l’horreur de vos mains paralysées, l’impossibilité du geste ? Ce cauchemar, Hamlet le subit éveillé. Hamlet n’est pas dans le lieu où est sa vie. Il a toujours l’air d’un homme qui vous parle de l’autre bord d’un fleuve. Il vous appelle en même temps qu’il vous questionne. Il est à distance de la catastrophe dans laquelle