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ou du Juvénal pour trouver cette escarboucle du cerveau humain.

Ce phénomène de la réflexion double élève à la plus haute puissance chez les génies ce que les rhétoriques appellent l’antithèse, c’est-à-dire la faculté souveraine de voir les deux côtés des choses.

Je n’aime pas Ovide, ce proscrit lâche, ce lécheur de mains sanglantes, ce chien couchant de l’exil, ce flatteur lointain et dédaigné du tyran, et je hais le bel esprit dont Ovide est plein ; mais je ne confonds pas ce bel esprit avec la puissante antithèse de Shakespeare.

Les esprits complets ayant tout, Shakespeare contient Gongora de même que Michel-Ange contient le Bernin ; et il y a là-dessus des rédactions toutes faites : Michel-Ange est maniéré, Shakespeare est antithétique. Ce sont là les formules de l’école ; mais c’est la grande question du contraste dans l’art vue par le petit côté.

Totus in antithesi. Shakespeare est tout dans l’antithèse. Certes, il est peu juste de voir un homme tout entier, et un tel homme, dans une de ses qualités. Mais, cette réserve faite, disons que ce mot, totus in antithesi, qui a la prétention d’être une critique, pourrait être simplement une constatation. Shakespeare, en effet, a mérité, ainsi que tous les poëtes vraiment grands, cet