Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le songeur solution de continuité. Penchez-vous sur cet anathème ou penchez-vous sur cette satire, le même vertige y tournoie. L’Apocalypse se réverbère sur la Mer de Glace polaire, et vous avez cette aurore boréale, les Niebelungen. L’Edda réplique aux Védas.

De là ceci, d’où nous sommes partis et où nous revenons : l’art n’est point perfectible.

Pas d’amoindrissement possible pour la poésie, pas d’augmentation non plus. On perd son temps quand on dit : nescio quid majus nascitur Iliade. L’art n’est sujet ni à diminution ni à grossissement. L’art a ses saisons, ses nuages, ses éclipses, ses taches même, qui sont peut-être des splendeurs, ses interpositions d’opacités survenantes dont il n’est pas responsable ; mais, en somme, c’est toujours avec la même intensité qu’il fait le jour dans l’âme humaine. Il reste la même fournaise donnant la même aurore. Homère ne se refroidit pas.

Insistons d’ailleurs sur ceci, car l’émulation des esprits c’est la vie du beau, ô poètes, le premier rang est toujours libre. Écartons tout ce qui peut déconcerter les audaces et casser les ailes ; l’art est un courage ; nier que les génies survenants puissent être les pairs des génies antérieurs, ce serait nier la puissance continuante de Dieu.