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revient », — etc., etc. Oh ! le bizarre procédé de critique ! donc l’art n’est qu’une série de contrefaçons ! Thersite a un voleur, Falstaff. Oreste a un singe, Hamlet. L’Hippogriffe est le geai de Pégase. Tous ces poëtes ! un tas de tire-laines. On s’entre-pille, voilà tout. L’inspiration se complique de filouterie. Cervantes détrousse Apulée, Alceste escroque Timon d’Athènes. Le bois Sminthée est la forêt de Bondy. D’où sort la main de Shakespeare ? de la poche d’Eschyle.

Non ! ni décadence, ni renaissance, ni plagiat, ni répétition, ni redite. Identité de cœur, différence d’esprit ; tout est là. Chaque grand artiste, nous l’avons dit ailleurs, refrappe l’art à son image. Hamlet, c’est Oreste à l’effigie de Shakespeare. Figaro, c’est Scapin à l’effigie de Beaumarchais. Grangousier, c’est Silène à l’effigie de Rabelais.

Tout recommence avec le nouveau poëte, et en même temps rien n’est interrompu. Chaque nouveau génie est abîme. Pourtant il y a tradition. Tradition de gouffre à gouffre, c’est là, dans l’art comme dans le firmament, le mystère ; et les génies communiquent par leurs effluves comme les astres. Qu’ont-ils de commun ? Rien. Tout.

De ce puits qu’on nomme Ézéchiel à ce précipice qu’on nomme Juvénal, il n’y a point pour