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dont il remplit son antre, l’Iliade ; à Eschyle, la monstruosité ; à Job, à Isaïe, à Ézéchiel, à saint Paul, les doubles sens ; à Rabelais, la nudité obscène et l’ambiguïté venimeuse ; à Cervantes, le rire perfide ; à Shakespeare, la subtilité ; à Lucrèce, à Juvénal, à Tacite, l’obscurité ; à Jean de Pathmos et à Dante Alighieri, les ténèbres.

Aucun de ces reproches ne peut être fait à d’autres esprits très-grands, moins grands. Hésiode, Ésope, Sophocle, Euripide, Platon, Thucydide, Anacréon, Théocrite, Tite-Live, Salluste, Cicéron, Térence, Virgile, Horace, Pétrarque, Tasse, Arioste, La Fontaine, Beaumarchais, Voltaire, n’ont ni exagération, ni ténèbres, ni obscurité,, ni monstruosité. Que leur manque-t-il donc ? Cela.

Cela, c’est l’inconnu.

Cela, c’est l’infini.

Si Corneille avait « cela », il serait l’égal d’Eschyle. Si Milton avait « cela », il serait l’égal d’Homère. Si Molière avait « cela », il serait l’égal de Shakespeare.

Avoir, par obéissance aux règles, tronqué et raccourci la vieille tragédie native, c’est là le malheur de Corneille. Avoir, par tristesse puritaine, exclu de son œuvre la vaste nature, le grand Pan, c’est là le malheur de Milton. Avoir, par peur de Boileau, éteint bien vite le