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dans l’homme. Le ventre est essentiellement cette bête. La dégradation semble être sa loi. L’échelle de la poésie sensuelle a, à son échelon d’en haut, le Cantique des Cantiques et, à son échelon d’en bas, la gaudriole. Le ventre dieu, c’est Silène ; le ventre empereur, c’est Vitellius ; le ventre animal, c’est le porc. Un de ces horribles Ptolémées s’appelait le Ventre, Physcon. Le ventre est pour l’humanité un poids redoutable ; il rompt à chaque instant l’équilibre entre l’âme et le corps. Il emplit l’histoire. Il est responsable presque de tous les crimes. Il est l’outre des vices. C’est lui qui par la volupté fait le sultan et par l’ébriété le czar. C’est lui qui montre à Tarquin le lit de Lucrèce ; c’est lui qui finit par faire délibérer sur la sauce d’un turbot ce sénat qui avait attendu Brennus et ébloui Jugurtha. C’est lui qui conseille au libertin ruiné César le passage du Rubicon. Passer le Rubicon, comme ça vous paye vos dettes ! passer le Rubicon, comme ça vous donne des femmes ! quels bons dîners après ! et les soldats romains, entrent dans Rome avec ce cri : Urbani, claudite uxores ; mœchum calvum adducimus. L’appétit débauche l’intelligence. Volupté remplace volonté. Au début, comme toujours, il y a un peu de noblesse. C’est l’orgie. Il y a une nuance entre se griser et se soûler. Puis l’orgie dégénère