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dure que les Orcades, et plus de soleil. Il n’a pas le temple d’Astypalée ; mais il a les cromlech ; il n’a pas la grotte de Fingal, mais il a Serk. Le moulin Huet vaut le Tréport ; la grève d’Azette vaut Trouville ; Piémont vaut Étretat. Le pays est beau ; le peuple est bon, l’histoire est fière. Le côté sauvage est majestueux. L’archipel a un apôtre Hélier, un poëte, Robert Wace, un héros, Pierson. Plusieurs des meilleurs généraux et des meilleurs amiraux de l’Angleterre sont nés dans l’archipel. Ces pauvres pêcheurs sont dans l’occasion magnifiques ; dans les souscriptions pour les inondations et les affamés de Manchester, Jersey et Guernesey ont plus donné, proportion gardée, que la France et l’Angleterre[1].

Ces peuples ont gardé de leur vieille vie de contrebandiers un goût hautain pour le risque et le danger. Ils vont partout. Ils essaiment. L’archipel normand colonise aujourd’hui, comme jadis l’archipel grec. C’est là une gloire. Il y a des jersiais et des guernesiais en Australie, en Californie, à Ceylan. L’Amérique du Nord a son New-Jersey, et son New-Guernesey, qui est dans l’Ohio. Ces anglo-normands, quoique un peu ankylosés par les sectes, ont une incorruptible aptitude au progrès, Toutes les superstitions, soit, mais toute la raison aussi. Est-ce que la France n’a pas été brigande ? Est-ce que l’Angleterre n’a pas été anthropophage ? Soyons modestes, et pensons à nos ancêtres tatoués.

Où prospérait le banditisme, le commerce règne. Trans-

  1. Voici, en particulier pour Guernesey et pour les inondés français de 1856, la proportion des sommes souscrites : la France a donné par tête d’habitant, trente centimes, l’Angleterre, six centimes, Guernesey, trente-huit centimes.