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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

compagnait, au premier coup d’œil il semblait le fils, au second coup d’œil il semblait le père.

Celui-ci n’était autre que le docteur Jaquemin Hérode. Le docteur Jaquemin Hérode appartenait à la haute église, laquelle est à peu près un papisme sans pape. L’anglicanisme était travaillé dès cette époque par les tendances qui se sont depuis affirmées et condensées dans le puséysme. Le docteur Jaquemin Hérode était de cette nuance anglicane qui est presque une variété romaine. Il était haut, correct, étroit et supérieur. Son rayon visuel intérieur sortait à peine au dehors. Il avait pour esprit la lettre. Du reste altier. Son personnage tenait de la place. Il avait moins l’air d’un révérend que d’un monsignor. Sa redingote était un peu coupée en soutane. Son vrai milieu eût été Rome. Il était prélat de chambre, né. Il semblait avoir été créé exprès pour orner un pape, et pour marcher derrière la chaise gestatoire, avec toute la cour pontificale, in abitto paonazzo. L’accident d’être né anglais, et une éducation théologique plus tournée vers l’ancien testament que vers le nouveau, lui avaient fait manquer cette grande destinée. Toutes ses splendeurs se résumaient en ceci, être recteur de Saint-Pierre-Port, doyen de l’île de Guernesey et subrogé de l’évêque de Winchester. C’était, sans nul doute, de la gloire.

Cette gloire n’empêchait pas M. Jaquemin Hérode d’être, à tout prendre, un assez bon homme.

Comme théologien, il était bien situé dans l’estime des connaisseurs, et il faisait presque autorité à la cour des Arches, cette Sorbonne de l’Angleterre.