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IMPRUDENCE DE FAIRE DES QUESTIONS

C’étaient, le vêtement l’indiquait, deux hommes d’église, appartenant tous deux à la religion établie.

Ce qui, dans le jeune homme, eût, au premier abord, frappé l’observateur, c’est que cette gravité, qui était profonde dans son regard, et qui résultait évidemment de son esprit, ne résultait pas de sa personne. La gravité admet la passion, et l’exalte en l’épurant, mais ce jeune homme était, avant tout, joli. Étant prêtre, il avait au moins vingt-cinq ans ; il en paraissait dix-huit. Il offrait cette harmonie, et aussi ce contraste, qu’en lui l’âme semblait faite pour la passion et le corps pour l’amour. Il était blond, rose, frais, très fin et très souple dans son costume sévère, avec des joues de jeune fille et des mains délicates ; il avait l’allure vive et naturelle, quoique réprimée. Tout en lui était charme, élégance, et presque volupté. La beauté de son regard corrigeait cet excès de grâce. Son sourire sincère, qui montrait des dents d’enfant, était pensif et religieux. C’était la gentillesse d’un page et la dignité d’un évêque.

Sous ses épais cheveux blonds, si dorés qu’ils paraissaient coquets, son crâne était élevé, candide et bien fait. Une ride légère à double inflexion entre les deux sourcils éveillait confusément l’idée de l’oiseau de la pensée planant, ailes déployées, au milieu de ce front.

On sentait, en le voyant, un de ces êtres bienveillants, innocents et purs, qui progressent en sens inverse de l’humanité vulgaire, que l’illusion fait sages et que l’expérience fait enthousiastes.

Sa jeunesse transparente laissait voir sa maturité intérieure. Comparé à l’ecclésiastique en cheveux gris qui l’ac-