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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

barques, hissées à force de bras par des chaînes et des poulies, montent de la mer et y redescendent le long de ces madriers qui sont comme deux rails. Pour les hommes il y a un escalier. Ce port était alors très fréquenté par les contrebandiers. Étant peu praticable, il leur était commode.

Vers onze heures, des fraudeurs, peut-être ceux-là mêmes sur lesquels avait compté Clubin, étaient avec leurs ballots au sommet de cette plate-forme de la Moie. Qui fraude guette ; ils épiaient. Ils furent étonnés d’une voile qui déboucha brusquement au delà de la silhouette noire du cap Plainmont. Il faisait clair de lune. Ces contrebandiers surveillèrent cette voile, craignant que ce ne fût quelque garde-côte allant s’embusquer en observation derrière le grand Hanois. Mais la voile dépassa les Hanois, laissa derrière elle au nord-ouest la Boue Blondel, et s’enfonça au large dans l’estompe livide des brumes de l’horizon.

— Où diable peut aller cette barque ? se dirent les contrebandiers.

Le même soir, un peu après le coucher du soleil, on avait entendu quelqu’un frapper à la porte de la masure du Bû de la Rue. C’était un jeune garçon vêtu de brun avec des bas jaunes, ce qui indiquait un petit clerc de la paroisse. Le Bû de la Rue était fermé, porte et volets. Une vieille pêcheuse de fruits de mer, rôdant dans la banque une lanterne à la main, avait hélé le garçon, et ces paroles s’étaient échangées devant le Bû de la Rue entre la pêcheuse et le petit clerc.

— Qu’est-ce que vous voulez, gars ?

— L’homme d’ici.