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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

bank-notes ; cette certitude lui suffisait. Il changerait de nom. Il y a des pays où soixante mille francs en valent six cent mille. Ce ne serait pas une mauvaise solution que d’aller dans un de ces coins-là vivre honnêtement avec l’argent repris à ce voleur de Rantaine. Spéculer, entrer dans le grand négoce, grossir son capital, devenir sérieusement millionnaire, cela non plus ne serait point mal.

Par exemple, à Costa-Rica, comme c’était le commencement du grand commerce du café, il y avait des tonnes d’or à gagner. On verrait.

Peu importait d’ailleurs. Il avait le temps d’y songer. Pour le moment, le difficile était fait. Dépouiller Rantaine, disparaître avec la Durande, c’était la grosse affaire. Elle était accomplie. Le reste était simple. Nul obstacle possible désormais. Rien à craindre. Rien ne pouvait survenir. Il allait atteindre la côte à la nage, à la nuit il aborderait à Plainmont, il escaladerait la falaise, il irait droit à la maison visionnée, il y entrerait sans peine au moyen de sa corde à nœuds cachée d’avance dans un trou de rocher, il trouverait dans la maison visionnée son sac-valise contenant des vêtements secs et des vivres, là il pourrait attendre, il était renseigné, huit jours ne se passeraient pas sans que des contrebandiers d’Espagne, Blasquito probablement, touchassent à Plainmont, pour quelques guinées il se ferait transporter, non à Torbay, comme il l’avait dit à Blasco pour dérouter les conjectures et donner le change, mais à Pasages ou à Bilbao. De là il gagnerait la Vera-Cruz ou la Nouvelle-Orléans. Du reste le moment était venu de se jeter à la mer, la chaloupe était loin, une heure de nage n’était rien pour