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LE TIMONIER IVRE ET LE CAPITAINE SOBRE

pas aimé avoir du brouillard quand nous étions devers les Minquiers.

L’américain dit au malouin :

— Les insulaires sont plus de la mer que les côtiers.

— C’est vrai, nous autres gens de la côte, nous n’avons que le demi-bain.

— Qu’est-ce que c’est que ça, les Minquiers ? continua l’américain.

Le malouin répondit :

— C’est des cailloux très mauvais.

— Il y a aussi les Grelets, fit le guernesiais.

— Parbleu, répliqua le malouin.

— Et les Chouas, ajouta le guernesiais.

Le malouin éclata de rire.

— À ce compte-là, dit-il, il y a aussi les Sauvages.

— Et les Moines, observa le guernesiais.

— Et le Canard, s’écria le malouin.

— Monsieur, repartit le guernesiais poliment, vous avez réponse à tout.

— Malouin, malin.

Cette réponse faite, le malouin cligna de l’œil.

Le touriste interposa une question.

— Est-ce que nous avons à traverser toute cette rocaille ?

— Point. Nous l’avons laissée au sud-sud-est. Elle est derrière nous.

Et le guernesiais poursuivit :

— Tant gros rochers que menus, les Grelets ont cinquante-sept pointes.

— Et les minquiers quarante-huit, dit le malouin.