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LE TIMONIER IVRE ET LE CAPITAINE SOBRE

— J’y consens, dit le touriste. Vous êtes américain ?

— Oui, monsieur.

— J’y consens encore.

Il y eut un silence, l’américain missionnaire se demanda si c’était le cas d’offrir une bible.

— Monsieur, repartit le touriste, est-il vrai que vous ayez le goût des sobriquets en Amérique au point d’en affubler tous vos gens célèbres, et que vous appeliez votre fameux banquier missourien Thomas Benton, le vieux lingot ?

— De même que nous nommons Zacharie Taylor le vieux Zach.

— Et le général Harrison le vieux Tip, n’est-ce pas ? Et le général Jackson le vieil Hickory ?

— Parce que Jackson est dur comme le bois hickory, et parce que Harrison a battu les peaux-rouges à Tippecanoe.

— C’est une mode byzantine que vous avez là.

— C’est notre mode. Nous appelons Van Buren le petit sorcier, Leward, qui a fait faire les petites coupures des billets de banque, Billy-Le-Petit, et Douglas, le sénateur démocrate de l’Illinois, qui a quatre pieds de haut et une grande éloquence, le petit géant. Vous pouvez aller du Texas au Maine, vous ne rencontrerez personne qui dise ce nom : Cass, on dit : le grand Michigantier ; ni ce nom : Clay, on dit : le garçon de moulin à la balafre. Clay est fils d’un meunier.

— J’aimerais mieux dire Clay ou Cass, observa le parisien, c’est plus court.

— Vous manqueriez d’usage du monde. Nous nommons