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comme Premières, et à des potiers-peintres comme Deck et Devers.

La chaussée d’Antin de Jersey se nomme Rouge-Bouillon, le faubourg Saint-Germain de Guernesey se nomme les Rohais ; les belles rues correctes y abondent, toutes coupées de jardins. Il y a à Saint-Pierre-Port autant d’arbres que de toits, plus de nids que de maisons, et plus de bruits d’oiseaux que de bruits de voitures. Les Rohais ont la grande apparence patricienne des quartiers hautains de Londres, et sont blancs et propres.

Traversez un ravin, enjambez Mille street, entrez dans une sorte d’entaille entre deux hautes maisons, montez un étroit et interminable degré à coudes tortueux et à dalles branlantes, vous êtes dans une ville bédouine ; masures, fondrières, ruelles dépavées, pignons brûlés, logis effondrés, chambres désertes sans portes ni fenêtres où l’herbe pousse, des poutres traversant la rue, des ruines barrant le passage, çà et là une bicoque habitée, de petits garçons nus, des femmes pâles ; on se croit à Zaatcha.

À Saint-Pierre-Port, on n’est pas horloger, on est montrier ; on n’est pas commissaire-priseur, on est encanteur ; on n’est pas badigeonneur, on est picturier ; on n’est pas maçon, on est plâtreur ; on n’est pas pédicure, on est chiropodiste ; on n’est pas cuisinier, on est couque ; on ne frappe pas à la porte, on tape à l’hû. Madame Pescott est « agente de douanes et fournisseure de navires ». Un barbier annonçait dans sa boutique la mort de Wellington en ces termes : Le commandant des soudards est mort.

Des femmes vont de porte en porte revendre de petites