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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

— J’allais le dire, monsieur l’armurier. On vous fiche à tout ce bric-à-brac une bonne chaude suante, et ça vous fait une magnifique étoffe de fer…

— Oui, mais qui peut avoir des crevasses, des éventures, des travers.

— Pardine. Mais on remédie aux travers par des petites queues d’aronde, de même qu’on évite le risque des doublures en battant ferme. On corroie son étoffe de fer au gros marteau, on lui flanque deux autres chaudes suantes ; si le fer a été surchauffé, on le rétablit par des chaudes grasses, et à petits coups. Et puis on étire l’étoffe, et puis on la roule bien sur la chemise, et avec ce fer-là, fichtre ! On vous fait ces canons-là.

— Vous êtes donc du métier ?

— Je suis de tous les métiers.

— Les canons sont couleur d’eau.

— C’est une beauté, monsieur l’armurier. Ça s’obtient avec du beurre d’antimoine.

— Nous disons donc que nous allons vous payer cela cinq louis ?

— Je me permets de faire observer à monsieur que j’ai eu l’honneur de dire six louis.

L’armurier baissa la voix :

— Écoutez, parisien. Profitez de l’occasion. Défaites-vous de ça. Ça ne vaut rien pour vous autres, une arme comme ça. Ça fait remarquer un homme.

— En effet, dit le parisien, c’est un peu voyant. C’est meilleur pour un bourgeois.

— Voulez-vous cinq louis ?