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LE REVOLVER

son n’a pas été bâtie à l’époque des guerres de la révolution. Elle porte la date — 1780 — antérieure à la révolution. Ensuite, elle n’a pas été bâtie pour être un poste ; elle porte les lettres ELM-PBILG, qui sont le double monogramme de deux familles, et qui indiquent, suivant l’usage, que la maison a été construite pour l’établissement d’un jeune ménage. Donc, elle a été habitée. Pourquoi ne l’est-elle plus ? Si l’on a muré la porte et les croisées pour que personne ne pût pénétrer dans la maison, pourquoi a-t-on laissé deux fenêtres ouvertes ? Il fallait tout murer, ou rien. Pourquoi pas de volets ? Pourquoi pas de châssis ? Pourquoi pas de vitres ? Pourquoi murer les fenêtres d’un côté si on ne les mure pas de l’autre ? On empêche la pluie d’entrer par le sud, mais on la laisse entrer par le nord.

Les crédules ont tort, sans doute, mais à coup sûr les positifs n’ont pas raison. Le problème persiste.

Ce qui est sûr, c’est que la maison passe pour avoir été plutôt utile que nuisible aux contrebandiers.

Le grossissement de l’effroi ôte aux faits leur vraie proportion. Sans nul doute, bien des phénomènes nocturnes, parmi ceux dont s’est peu à peu composé le « visionnement » de la masure, pourraient s’expliquer par des présences obscures et furtives, par de courtes stations d’hommes tout de suite rembarqués, tantôt par les précautions, tantôt par les hardiesses de certains industriels suspects se cachant pour mal faire et se laissant entrevoir pour faire peur.

À cette époque déjà lointaine, beaucoup d’audaces étaient possibles. La police, surtout dans les petits pays, n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui.