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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

de la connaissance du mal. — Le garde-chasse cause utilement avec le braconnier. — Le pilote doit sonder le pirate ; le pirate étant un écueil. — Je goûte à un coquin comme un médecin goûte à un poison. — C’était sans réplique. Tout le monde donnait raison au capitaine Clubin. On l’approuvait de ne point être un délicat ridicule. Qui donc eût osé en médire ? Tout ce qu’il faisait était évidemment « pour le bien du service ». De lui tout était simple. Rien ne pouvait le compromettre. Le cristal voudrait se tacher qu’il ne pourrait. Cette confiance était la juste récompense d’une longue honnêteté, et c’est là l’excellence des réputations bien assises. Quoi que fît ou quoi que semblât faire Clubin, on y entendait malice dans le sens de la vertu ; l’impeccabilité lui était acquise ; — par-dessus le marché, il est très avisé, disait-on ; — et de telle ou telle accointance qui dans un autre eût été suspecte, sa probité sortait avec un relief d’habileté. Ce renom d’habileté se combinait harmonieusement avec son renom de naïveté, sans contradiction ni trouble. Un naïf habile, cela existe. C’est une des variétés de l’honnête homme, et une des plus appréciées. Sieur Clubin était de ces hommes qui, rencontrés en conversation intime avec un escroc ou un bandit, sont acceptés ainsi, pénétrés, compris, respectés d’autant plus, et ont pour eux le clignement d’yeux satisfait de l’estime publique.

Le Tamaulipas avait complété son chargement. Il était en partance et allait prochainement appareiller.

Un mardi soir la Durande arriva à Saint-Malo comme il faisait encore grand jour. Sieur Clubin, debout sur la passerelle et surveillant la manœuvre de l’approche du port, aperçut près