Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.
200
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

des plumes d’oiseau dont trois suffisaient à faire le toit d’une maison. Il avait vu dans l’Inde des tiges d’oseille hautes de neuf pieds. Il avait vu dans la Nouvelle-Hollande des troupeaux de dindons et d’oies menés et gardés par un chien de berger qui est un oiseau, et qu’on appelle l’agami. Il avait vu des cimetières d’éléphants. Il avait vu en Afrique des gorilles, espèces d’hommes-tigres, de sept pieds de haut. Il connaissait les mœurs de tous les singes, depuis le macaque sauvage qu’il appelait macaco bravo jusqu’au macaque hurleur qu’il appelait macaco barbado. Au Chili, il avait vu une guenon attendrir les chasseurs en leur montrant son petit. Il avait vu en Californie un tronc d’arbre creux tombé à terre dans l’intérieur duquel un homme à cheval pouvait faire cent cinquante pas. Il avait vu au Maroc les mozabites et les biskris se battre à coups de matraks et de barres de fer, les biskris pour avoir été traités de kelb, qui veut dire chiens, et les mozabites pour avoir été traités de khamsi, qui veut dire gens de la cinquième secte. Il avait vu en Chine couper en petits morceaux le pirate Chanh-Thong-Quan-Larh-Quoi, pour avoir assassiné le âp d’un village. À Thun-Daû-Môt, il avait vu un lion enlever une vieille femme en plein marché de la ville. Il avait assisté à l’arrivée du grand serpent venant de Canton à Saïgon pour célébrer dans la pagode de Cholen la fête de Quannam, déesse des navigateurs. Il avait contemplé chez les Moï le grand Quan-Sû. À Rio-Janeiro, il avait vu les dames brésiliennes se mettre le soir dans les cheveux de petites bulles de gaze contenant chacune une vagalumes, belle mouche à phosphore, ce qui les coiffe d’étoiles. Il avait combattu dans l’Uruguay les fourmilières et dans le