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Mais le gros temps n’est pas le plus grand risque de cette navigation de l’archipel ; la bourrasque est violente, et la violence avertit ; on rentre au port, ou l’on met à la cape ; en ayant soin de placer le centre d’effort des voiles au plus bas ; s’il survente, on cargue tout, et voici peut se tirer d’affaire. Les grands périls de ces parages sont les périls invisibles ; toujours présents, et d’autant plus funestes que le temps est plus beau.

Dans ces rencontres-là, une manœuvre spéciale est nécessaire. Les marins de l’ouest de Guernesey excellent dans cette sorte de manœuvre qu’on pourrait nommer préventive. Personne n’a étudié comme eux les trois dangers de la mer tranquille, le singe, l’anuble et le derruble. Le singe (swinge), c’est le courant ; l’anuble (lieu obscur), c’est le bas-fond ; le derruble (qu’on prononce le terrible), c’est le tourbillon, le nombril, l’entonnoir de roches sous-jacentes, le puits sous la mer.