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DURANDE ET DÉRUCHETTE

avait placé la bielle principale près du cylindre, ce qui transportait du milieu à l’extrémité le centre d’oscillation du balancier. Depuis on a inventé les cylindres oscillants qui permettent de supprimer les bielles ; mais, à cette époque, la bielle près du cylindre semblait le dernier mot de la machinerie. La chaudière était coupée de cloisons et pourvue de sa pompe de saumure. Les roues étaient très grandes, ce qui diminuait la perte de force, et la cheminée était très haute, ce qui augmentait le tirage du foyer ; mais la grandeur des roues donnait prise au flot et la hauteur de la cheminée donnait prise au vent. Aubes de bois, crochets de fer, moyeux de fonte, telles étaient les roues, bien construites et, chose qui étonne, pouvant se démonter. Il y avait toujours trois aubes immergées. La vitesse du centre des aubes ne surpassait que d’un sixième la vitesse du navire ; c’était là le défaut de ces roues. En outre, le manneton des manivelles était trop long, et le tiroir distribuait la vapeur dans le cylindre avec trop de frottement. Dans ces temps-là, cette machine semblait et était admirable.

Cette machine avait été forgée en France à l’usine de fer de Bercy. Mess Lethierry l’avait un peu imaginée ; le mécanicien qui l’avait construite sur son épure était mort ; de sorte que cette machine était unique, et impossible à remplacer. Le dessinateur restait, mais le constructeur manquait.

La machine avait coûté quarante mille francs. Lethierry avait construit lui-même la galiote sous la grande cale couverte qui est à côté de la première tour entre