Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/437

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ces produits hideux et délicats d’un art prodigieux sont dans la bijouterie ce que les métaphores de l’argot sont dans la poésie. Il y a des Benvenuto Cellini au bagne, de même que dans la langue il y a des Villon. Le malheureux qui aspire à la délivrance trouve moyen, quelquefois sans outils, avec un eustache, avec un vieux couteau, de scier un sou en deux lames minces, de creuser ces deux lames sans toucher aux empreintes monétaires, et de pratiquer un pas de vis sur la tranche du sou de manière à faire adhérer les lames de nouveau. Cela se visse et se dévisse à volonté ; c’est une boîte. Dans cette boîte, on cache un ressort de montre, et ce ressort de montre bien manié coupe des manilles de calibre et des barreaux de fer. On croit que ce malheureux forçat ne possède qu’un sou ; point, il possède la liberté. C’est un gros sou de ce genre qui, dans des perquisitions de police ultérieures, fut trouvé ouvert et en deux morceaux dans le bouge sous le grabat près de la fenêtre. On découvrit également une petite scie en acier bleu qui pouvait se cacher dans le gros sou. Il est probable qu’au moment où les bandits fouillèrent le prisonnier, il avait sur lui ce gros sou qu’il réussit à cacher dans sa main, et qu’ensuite, ayant la main droite libre, il le dévissa, et se servit de la scie pour couper les cordes qui l’attachaient, ce qui expliquerait le bruit léger et les mouvements imperceptibles que Marius avait remarqués.

N’ayant pu se baisser de peur de se trahir, il n’avait point coupé les liens de sa jambe gauche.

Les bandits étaient revenus de leur première surprise.

— Sois tranquille, dit Bigrenaille à Thénardier. Il tient