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paroissien de la paroisse-meurs-de-faim-si-tu-as-du-feu-meurs-de-froid-si-tu-as-du-pain ! j’en ai assez eu de la misère ! ma charge et la charge des autres ! Je ne plaisante plus, je ne trouve plus ça comique, assez de calembours, bon Dieu ! plus de farces, père éternel ! je veux manger à ma faim, je veux boire à ma soif ! bâfrer ! dormir ! ne rien faire ! je veux avoir mon tour, moi, tiens ! avant de crever ! je veux être un peu millionnaire !

Il fit le tour du bouge et ajouta :

— Comme les autres.

— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda la femme.

Il secoua la tête, cligna de l’œil et haussa la voix comme un physicien de carrefour qui va faire une démonstration :

— Ce que je veux dire ? écoute !

— Chut ! grommela la Jondrette, pas si haut ! si ce sont des affaires qu’il ne faut pas qu’on entende.

— Bah ! qui ça ? le voisin ? Je l’ai vu sortir tout à l’heure. D’ailleurs est-ce qu’il entend, ce grand bêta ? Et puis je te dis que je l’ai vu sortir.

Cependant, par une sorte d’instinct, Jondrette baissa la voix, pas assez pourtant pour que ses paroles échappassent à Marius. Une circonstance favorable, et qui avait permis à Marius de ne rien perdre de cette conversation, c’est que la neige tombée assourdissait le bruit des voitures sur le boulevard.

Voici ce que Marius entendit :

— Écoute bien. Il est pris, le crésus ! C’est tout comme. C’est déjà fait. Tout est arrangé. J’ai vu des gens. Il viendra