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Un linceul la recouvre ; on la pose à l’écart ;
On voit deux pieds d’enfant qui sortent du brancard.
Fabrice, comme au vent se renverse un grand arbre,
Tremble, et l’homme de chair sous cet homme de marbre
Reparaît ; et Ratbert fait lever le drap noir.

C’est elle ! Isora ! pâle, inexprimable à voir,
Étranglée, et sa main crispée, et cela navre,
Tient encore un hochet ; pauvre petit cadavre !

L’aïeul tressaille avec la force d’un géant ;
Formidable, il arrache au brodequin béant
Son pied dont le bourreau vient de briser le pouce ;
Les bras toujours liés, de l’épaule il repousse
Tout ce tas de démons, et va jusqu’à l’enfant,
Et sur ses deux genoux tombe, et son cœur se fend.
Il crie en se roulant sur la petite morte :

« Tuée ! ils l’ont tuée ! et la place était forte,
Le pont avait sa chaîne et la herse ses poids,
On avait des fourneaux pour le soufre et la poix,
On pouvait mordre avec ses dents le roc farouche,