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L’aïeul rit, doux reflet de l’aube sur le soir !
Et le sein de l’enfant, demi-nu, laisse voir
Ce bouton rose, germe auguste des mamelles ;
Et ses beaux petits bras ont des mouvements d’ailes.
Le vétéran lui prend les mains, les réchauffant ;
Et, dans tout ce qu’il dit aux femmes, à l’enfant,
Sans ordre, en en laissant deviner davantage,
Espèce de murmure enfantin du grand âge,
Il semble qu’on entend parler toutes les voix
De la vie, heur, malheur, à présent, autrefois,
Deuil, espoir, souvenir, rire et pleurs, joie et peine ;
Ainsi tous les oiseaux chantent dans le grand chêne.

« Fais-toi belle ; un seigneur va venir ; il est bon ;
C’est l’empereur ; un roi ; ce n’est pas un barbon
Comme nous ; il est jeune ; il est roi d’Arle, en France ;
Vois-tu, tu lui feras ta belle révérence,
Et tu n’oublieras pas de dire : monseigneur.
Vois tous les beaux cadeaux qu’il nous fait ! Quel bonheur !
Tous nos bons paysans viendront, parce qu’on t’aime ;
Et tu leur jetteras des sequins d’or, toi-même,
De façon que cela tombe dans leur bonnet. »

Et le marquis, parlant aux femmes, leur prenait