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Comme il était bâtard d’Othon, dit le Non-Né
Parce qu’on le tira, vers l’an douze cent trente,
Du ventre de sa mère Honorate expirante,
Les rois faisaient dédain de ce fils belliqueux ;
Fabrice s’en vengeait en étant plus grand qu’eux.
À vingt ans, il était blond et beau ; ce jeune homme
Avait l’air d’un tribun militaire de Rome ;
Comme pour exprimer les détours du destin
Dont le héros triomphe, un graveur florentin
Avait sur son écu sculpté le labyrinthe ;
Les femmes l’admiraient, se montrant avec crainte
La tête de lion qu’il avait dans le dos.
Il a vu les plus fiers, Requesens et Chandos,
Et Robert, avoué d’Arras, sieur de Béthune,
Fuir devant son épée et devant sa fortune ;
Les princes pâlissaient de l’entendre gronder ;
Un jour, il a forcé le pape à demander
Une fuite rapide aux galères de Gênes ;
C’était un grand briseur de lances et de chaînes,
Guerroyant volontiers, mais surtout délivrant ;
Il a par tous été proclamé le plus grand
D’un siècle fort auquel succède un siècle traître ;
Il a toujours frémi quand des bouches de prêtre
Dans les sombres clairons de la guerre ont soufflé ;
Et souvent de saint Pierre il a tordu la clé
Dans la vieille serrure horrible de l’Église.
Sa bannière cherchait la bourrasque et la bise ;
Plus d’un monstre a grincé des dents sous son talon ;