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Qu’importe un jour de deuil quand, sous l’œil éternel,
Ce que noircit la terre est blanchi par le ciel ?

L’homme s’est vendu. Soit. A-t-on dans le louage
Compris le lac, le bois, la ronce, le nuage ?
La nature revient, germe, fleurit, dissout,
Féconde, croît, décroît, rit, passe, efface tout.
La Suisse est toujours là, libre. Prend-on au piége
Le précipice, l’ombre et la bise et la neige ?
Signe-t-on des marchés dans lesquels il soit dit
Que l’Orteler s’enrôle et devient un bandit ?
Quel poing cyclopéen, dites, ô roches noires,
Pourra briser la Dent de Morcle en vos mâchoires ?
Quel assembleur de bœufs pourra forger un joug
Qui du pic de Glaris aille au piton de Zoug ?
C’est naturellement que les monts sont fidèles
Et purs, ayant la forme âpre des citadelles,
Ayant reçu de Dieu des créneaux où, le soir,
L’homme peut, d’embrasure en embrasure, voir
Étinceler le fer de lance des étoiles.
Est-il une araignée, aigle, qui dans ses toiles
Puisse prendre la trombe et la rafale et toi ?
Quel chef recrutera le Salève ? à quel roi
Le Mythen dira-t-il : « Sire, je vais descendre ! »
Qu’après avoir dompté l’Athos, quelque Alexandre,