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Puisque l’opprobre riche est par vos cœurs choisi,
Puisque c’est vous qu’on voit vêtus de l’or des princes,
Superbement hideux et gardeurs de provinces,
Pâtres, soyez maudits. Oh ! vous étiez si beaux,
Honnêtes, en haillons, et libres, en sabots !

Auriez-vous donc besoin de faste ? Est-ce la pompe
Des parades, des cours, des galas qui vous trompe ?
Mais alors, regardez. Est-ce que mes vallons
N’ont pas les torrents blancs d’écume pour galons ?
Mai brode à mes rochers la passementerie
Des perles de rosée et des fleurs de prairie ;
Mes vieux monts pour dorure ont le soleil levant ;
Et chacun d’eux, brumeux, branle un panache au vent
D’où sort le roulement sinistre des tonnerres ;
S’il vous faut, au milieu des forêts centenaires,
Une livrée, à vous les voisins du ciel bleu,
Pourquoi celle des rois, ayant celle de Dieu ?
Ah ! vous raccommodez vos habits ! vos aiguilles,
Sœurs des sabres vendus, indigneraient des filles !
Ah ! vous raccommodez vos habits ! Venez voir,
Quand la saison commence à venter, à pleuvoir,
Comment l’altier Pelvoux, vieillard à tête blanche,
Sait, tout déguenillé de grêle et d’avalanche,
Mettre à ses cieux troués une pièce d’azur,