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Fritz les aime ; en voyant ces moustaches féroces,
Les femmes de la cour ont peur dans leurs carrosses,
Et disent : « Qu’ils sont beaux ! » Leurs os sont de granit ;
L’électeur de Mayence en passant les bénit,
Et l’abbé de Fulda leur rit dans sa simarre ;
Leur habit est d’un drap cramoisi, que chamarre
Un galon triomphal, auguste, étincelant ;
Ils ont deux frocs de guerre, un jaune et l’autre blanc ;
Sur le jaune, l’or brille et largement éclate ;
Quand ils portent le blanc sur la veste écarlate,
Car la pompe des cours aime ce train changeant,
On leur voit sur le corps ruisseler tant d’argent
Que ces fils des glaciers semblent couverts de givre.
Une troupe d’enfants s’extasie à les suivre.
Ils gardent à Schœnbrunn le secret corridor.
Sur l’épaule, en brocart brodé de pourpre et d’or,
Ils ont, quoique plus d’un soit hérétique en somme,
Le blason de l’empire et le blason de Rome ;
Mais leur cœur huguenot sans courroux le subit,
Et, quand l’âge ou la guerre ont usé leur habit,
Et qu’il faut au Prater devant des rois paraître,
Chacun d’eux, devenu bon tailleur de bon reître,
S’accroupit, prend l’aiguille, et remet en état
L’écusson orthodoxe à son dos apostat.
Ce sont de braves gens. Jamais ils ne vacillent.
En longs buissons mouvants leurs hallebardes brillent.
À Prague, à Parme, à Pesth, devant Mariendal,
Ils soutiennent le vaste empereur féodal ;