Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.

» L’homme reste devant cette pierre ébloui ;
» Et tous les à-peu-près, quels qu’ils soient, ont des prêtres.
» Soyez les Immortels, faites ! broyez les êtres,
» Achevez ce vain tas de vivants palpitants,
» Régnez ; quand vous aurez, encore un peu de temps,
» Ensanglanté le ciel que la lumière azure,
» Quand vous aurez, vainqueurs, comblé votre mesure,
» C’est bien, tout sera dit, vous serez remplacés
» Par ce noir dieu final que l’homme appelle Assez !
» Car Delphe et Pise sont comme des chars qui roulent,
» Et les choses qu’on crut éternelles s’écroulent
» Avant qu’on ait le temps de compter jusqu’à vingt. »

Tout en parlant ainsi, le satyre devint
Démesuré ; plus grand d’abord que Polyphème,
Puis plus grand que Typhon qui hurle et qui blasphème,
Et qui heurte ses poings ainsi que des marteaux,
Puis plus grand que Titan, puis plus grand que l’Athos ;
L’espace immense entra dans cette forme noire ;
Et, comme le marin voit croître un promontoire,
Les dieux dressés voyaient grandir l’être effrayant ;
Sur son front blêmissait un étrange orient ;
Sa chevelure était une forêt ; des ondes,
Fleuves, lacs, ruisselaient de ses hanches profondes ;
Ses deux cornes semblaient le Caucase et l’Atlas ;
Les foudres l’entouraient avec de sourds éclats ;