Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.

» On le verra, vannant la braise dans son crible,
» Maître et palefrenier d’une bête terrible,
» Criant à toute chose : « Obéis, germe, nais ! »
» Ajustant sur le bronze et l’acier un harnais
» Fait de tous les secrets que l’étude procure,
» Prenant aux mains du vent la grande bride obscure,
» Passer dans la lueur ainsi que les démons,
» Et traverser les bois, les fleuves et les monts,
» Beau, tenant une torche aux astres allumée,
» Sur une hydre d’airain, de foudre et de fumée !
» On l’entendra courir dans l’ombre avec le bruit
» De l’aurore enfonçant les portes de la nuit !
» Qui sait si quelque jour, grandissant d’âge en âge,
» Il ne jettera pas son dragon à la nage,
» Et ne franchira pas les mers, la flamme au front !
» Qui sait si, quelque jour, brisant l’antique affront,
» Il ne lui dira pas : « Envole-toi, matière ! »
» S’il ne franchira point la tonnante frontière,
» S’il n’arrachera pas de son corps brusquement
» La pesanteur, peau vile, immonde vêtement
» Que la fange hideuse à la pensée inflige,
» De sorte qu’on verra tout à coup, ô prodige,
» Ce ver de terre ouvrir ses ailes dans les cieux !
» Oh ! lève-toi, sois grand, homme ! va, factieux !
» Homme, un orbite d’astre est un anneau de chaîne,
» Mais cette chaîne-là, c’est la chaîne sereine,
» C’est la chaîne d’azur, c’est la chaîne du ciel ;
» Celle-là, tu t’y dois rattacher, ô mortel,