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LE CÈDRE.

Aperçut, tout auprès de la mer Rouge, à l’ombre
D’un santon, un vieux cèdre au grand feuillage sombre
Croissant dans un rocher qui bordait le chemin ;
Scheik Omer étendit à l’horizon sa main
Vers le nord habité par les aigles rapaces,
Et, montrant au vieux cèdre, au delà des espaces,
La mer Égée, et Jean endormi dans Pathmos,
Il poussa du doigt l’arbre et prononça ces mots :

« Va, cèdre ! va couvrir de ton ombre cet homme. »

Le blanc spectre de sel qui regarde Sodome
N’est pas plus immobile au bord du lac amer
Que ne le fut le cèdre à qui parlait Omer ;
Plus rétif que l’onagre à la voix de son maître,
L’arbre n’agita pas une branche.

L’arbre n’agita pas une branche. Le prêtre
Dit : « Va donc ! » et frappa l’arbre de son bâton.

Le cèdre, enraciné sous le mur du santon,
N’eut pas même un frisson et demeura paisible.

Le scheik alors tourna ses yeux vers l’invisible,