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ÉVIRADNUS.

Et les hanaps, dorés et peints, petits et grands,
Sont étagés, divers pour les vins différents ;
Il a soif ; les flacons tentent sa lèvre avide ;
Mais la goutte qui reste au fond d’un verre vide
Trahirait que quelqu’un dans la salle est vivant ;
Il va droit aux chevaux. Il s’arrête devant
Celui qui le plus près de la table étincelle,
Il prend le cavalier et l’arrache à la selle ;
La panoplie en vain lui jette un pâle éclair,
Il saisit corps à corps le fantôme de fer,
Et l’emporte au plus noir de la salle ; et, pliée
Dans la cendre et la nuit, l’armure humiliée
Reste adossée au mur comme un héros vaincu ;
Éviradnus lui prend sa lance et son écu,
Monte en selle à sa place, et le voilà statue.

Pareil aux autres, froid, la visière abattue,
On n’entend pas un souffle à sa lèvre échapper,
Et le tombeau pourrait lui-même s’y tromper.

Tout est silencieux dans la salle terrible.