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ÉVIRADNUS.

Les cuirs sont agrafés ; les ardillons d’airain
Attachent l’éperon, serrent le gorgerin ;
La grande épée à mains brille au croc de la selle ;
La hache est sur le dos, la dague est sous l’aisselle ;
Les genouillères ont leur boutoir meurtrier ;
Les mains pressent la bride, et les pieds l’étrier ;
Ils sont prêts ; chaque heaume est masqué de son crible ;
Tous se taisent ; pas un ne bouge ; c’est terrible.

Les chevaux monstrueux ont la corne au frontail.
Si Satan est berger, c’est là son noir bétail.
Pour en voir de pareils dans l’ombre, il faut qu’on dorme ;
Ils sont comme engloutis sous la housse difforme ;
Les cavaliers sont froids, calmes, graves, armés,
Effroyables ; les poings lugubrement fermés ;
Si l’enfer tout à coup ouvrait ces mains fantômes,
On verrait quelque lettre affreuse dans leurs paumes.
De la brume du lieu leur stature s’accroît.
Autour d’eux l’ombre a peur et les piliers ont froid.
Ô nuit, qu’est-ce que c’est que ces guerriers livides ?

Chevaux et chevaliers sont des armures vides,
Mais debout. Ils ont tous encor le geste fier,
L’air fauve, et, quoique étant de l’ombre, ils sont du fer.