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ÉVIRADNUS.

Cette ville a des murs ; pourtant, ce n’est pas d’elle
Que relève l’antique et noble citadelle ;
Fière, elle s’appartient ; quelquefois un château
Est l’égal d’une ville ; en Toscane, Prato,
Barletta dans la Pouille, et Crême en Lombardie,
Valent une cité, même forte et hardie ;
Corbus est de ce rang. Sur ses rudes parois
Ce burg a le reflet de tous les anciens rois ;
Tous leurs avénements, toutes leurs funérailles,
Ont, chantant ou pleurant, traversé ses murailles ;
Tous s’y sont mariés, la plupart y sont nés ;
C’est là que flamboyaient ces barons couronnés ;
Corbus est le berceau de la royauté scythe.
Or, le nouveau marquis doit faire une visite
À l’histoire qui va continuer. La loi
Veut qu’il soit seul pendant la nuit qui le fait roi.
Au seuil de la forêt, un clerc lui donne à boire
Un vin mystérieux versé dans un ciboire,
Qui doit, le soir venu, l’endormir jusqu’au jour ;
Puis on le laisse, il part et monte dans la tour ;
Il trouve dans la salle une table dressée ;
Il soupe et dort ; et l’ombre envoie à sa pensée
Tous les spectres des rois depuis le duc Bela ;
Nul n’oserait entrer au burg cette nuit-là ;
Le lendemain, on vient en foule, on le délivre ;
Et, plein des visions du sommeil, encore ivre
De tous ses grands aïeux qui lui sont apparus,
On le mène à l’église où dort Borivorus ;