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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

C’est une grande salle éclairée et déserte.
Où ? Dans l’ancien manoir de Corbus.

Où ? Dans l’ancien manoir de Corbus. L’herbe verte,
Le lierre, le chiendent, l’églantier sauvageon,
Font, depuis trois cents ans, l’assaut de ce donjon ;
Le burg, sous cette abjecte et rampante escalade,
Meurt, comme sous la lèpre un sanglier malade ;
Il tombe ; les fossés s’emplissent des créneaux ;
La ronce, ce serpent, tord sur lui ses anneaux ;
Le moineau franc, sans même entendre ses murmures,
Sur ses vieux pierriers morts vient becqueter les mûres ;
L’épine sur son deuil prospère insolemment ;
Mais, l’hiver, il se venge ; alors, le burg dormant
S’éveille, et, quand il pleut pendant des nuits entières,
Quand l’eau glisse des toits et s’engouffre aux gouttières,
Il rend grâce à l’ondée, aux vents, et, content d’eux,
Profite, pour cracher sur le lierre hideux,
Des bouches de granit de ses quatre gargouilles.

Le burg est aux lichens comme le glaive aux rouilles ;
Hélas ! et Corbus, triste, agonise. Pourtant
L’hiver lui plaît ; l’hiver, sauvage combattant,
Il se refait, avec les convulsions sombres
Des nuages hagards croulant sur ses décombres,
Avec l’éclair qui frappe et fuit comme un larron,
Avec les souffles noirs qui sonnent du clairon,