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LE PETIT ROI DE GALICE.

Le sentier a l’air traître et l’arbre a l’air méchant ;
Et la chèvre qui broute au flanc du mont penchant,
Entre les grès lépreux trouve à peine une câpre,
Tant la ravine est fauve et tant la roche est âpre ;
De distance en distance, on voit des puits bourbeux
Où finit le sillon des chariots à bœufs ;
Hors un peu d’herbe autour des puits, tout est aride ;
Tout du grand midi sombre a l’implacable ride ;
Les arbres sont gercés, les granits sont fendus.
L’air rare et brûlant manque aux oiseaux éperdus.
On distingue des tours sur l’épine dorsale
D’un mont lointain qui semble une ourse colossale ;
Quand, où Dieu met le roc, l’homme bâtit le fort,
Quand à la solitude il ajoute la mort,
Quand de l’inaccessible il fait l’inexpugnable,
C’est triste. Dans des plis d’ocre rouge et de sable,
Les hauts sentiers des cols, vagues linéaments,
S’arrêtent court, brusqués par les escarpements.
Vers le nord, le troupeau des nuages qui passe,
Poursuivi par le vent, chien hurlant de l’espace,
S’enfuit, à tous les pics laissant de sa toison.
Le Corcova remplit le fond de l’horizon.

On entend dans les pins que l’âge use et mutile
Lutter le rocher hydre et le torrent reptile ;
Près du petit pré vert pour la halte choisi,
Un précipice obscur, sans pitié, sans merci,