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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Remonter tout ce sang au front de la montagne.
Chaque bande, à travers la brumeuse campagne,
Dans des directions diverses s’enfonça ;
Ceux-là vers Roncevaux, ceux-ci vers Tolosa ;
Et les pillards tâtaient leurs sacs, de peur que l’ombre
N’en fît tomber l’enflure ou décroître le nombre,
La crainte du voleur étant d’être volé.
Meurtre du laboureur et pillage du blé,
La journée était bonne, et les files de lances
Serpentaient dans les champs pleins de sombres silences ;
Les montagnards disaient : « Quel beau coup de filet ! »
Après avoir tué la plaine qui râlait,
Ils rentraient dans leurs monts, comme une flotte au havre,
Et, riant et chantant, s’éloignaient du cadavre.
On vit leurs dos confus reluire quelque temps,
Et leurs rangs se grouper sous les drapeaux flottants
Ainsi que des chaînons ténébreux se resserrent,
Puis ces farouches voix dans la nuit s’effacèrent.


VII



Le pont de Crassus, morne et tout mouillé de sang,
Resta désert.
Resta désert.Alors, tragique et se dressant,