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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Ni reculer, ayant derrière moi l’enfer. »
Et c’est ainsi qu’ils ont, ces deux princes de fer,
Après avoir rompu le mur qui la couronne,
Brûlé la belle ville heureuse de Girone ;
Et fait noir l’horizon que le Seigneur fait bleu.

Rougeur à l’orient. C’est Lumbier en feu.
Ariscat l’est venu piller pour se distraire.
Ariscat est le roi d’Aguas ; ce téméraire,
Car, en basque, Ariscat veut dire le Hardi,
À son donjon debout près du pic du Midi,
Comme s’il s’égalait à la montagne immense.
Il brûle Lumbier comme on brûla Numance ;
L’histoire est quelquefois l’infidèle espion :
Elle oublie Ariscat et vante Scipion ;
N’importe ! le roi basque est invincible, infâme,
Superbe, comme un autre, et fait sa grande flamme ;
Cette ville n’est plus qu’un bûcher ; il est fier ;
Et le tas de tisons d’Ariscat, Lumbier,
Vaut bien Tyr, le monceau de braises d’Alexandre.

Fumée à l’occident. C’est Teruel en cendre.
Le roi du mont Jaxa, Gesufal le Cruel,
Pour son baiser terrible a choisi Teruel ;
Il vient d’en approcher ses deux lèvres funèbres,
Et Teruel se tord dans un flot de ténèbres.