Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 1.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
AYMERILLOT.

Ces douves-là nous font parfois si grise mine
Qu’il faut recommencer à l’heure où l’on termine,
Et que, la ville prise, on échoue au donjon.
Mais qu’importe ! es-tu pas le grand aigle ?

Mais qu’importe ! es-tu pas le grand aigle— Un pigeon,
Un moineau, dit Eustache, un pinson dans la haie !
Roi, je me sauve au nid. Mes gens veulent leur paye ;
Or, je n’ai pas le sou ; sur ce, pas un garçon
Qui me fasse crédit d’un coup d’estramaçon ;
Leurs yeux me donneront à peine une étincelle
Par sequin qu’ils verront sortir de l’escarcelle.
Tas de gueux ! Quant à moi, je suis très-ennuyé ;
Mon vieux poing tout sanglant n’est jamais essuyé ;
Je suis moulu. Car, sire, on s’échine à la guerre ;
On arrive à haïr ce qu’on aimait naguère,
Le danger qu’on voyait tout rose, on le voit noir ;
On s’use, on se disloque, on finit par avoir
La goutte aux reins, l’entorse aux pieds, aux mains l’ampoule,
Si bien, qu’étant parti vautour, on revient poule.
Je désire un bonnet de nuit. Foin du cimier !
J’ai tant de gloire, ô roi, que j’aspire au fumier. »

Le bon cheval du roi frappait du pied la terre
Comme s’il comprenait ; sur le mont solitaire
Les nuages passaient. Gérard de Roussillon
Était à quelques pas avec son bataillon ;