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Ont mordu dans la chair comme Eve dans la pomme.
La guerre maintenant ne peut s’arrêter, l’homme
Ayant bu du sang d’homme et l’ayant trouvé bon.
L’embrasement sans fin naîtra du vil charbon.
Mort ! l’homme va crouler sur l’homme en avalanche.
Mort ! l’humanité noire et l’humanité blanche,
Les grands et les petits, les tours et les fossés
Vont se heurter ainsi que des flots insensés.
Temps futurs ! lutte, horreur, tas sanglants, foules viles !
Chaînes autour des camps, chaînes autour des villes,
Marches nocturnes, pas ténébreux, voix dans l’air ;
Les tentes sur les monts, les voiles sur la mer !
O vision ! chevaux aux croupes pommelées !
O tempêtes de chars et d’escadron ! mêlées !
Nuages d’hommes, chocs, panaches, éperons !
Bouches ivres de bruit soufflant dans des clairons !
Les casques d’or ; les tours sonnant des funérailles ;
Des murailles sans fin ; d’où sortez-vous, murailles ?
Des champs dorés changés en gueules de l’enfer ;
Les hydres légions aux écailles de fer ;
Des glaives et des yeux tourbillonnant en trombes ;
La semence des os faisant lever des tombes ;
L’orgueil aveugle aux chants joyeux, chaque troupeau
Promenant son linceul qu’il appelle drapeau ;
Des vaisseaux se mordant avec des becs difformes,
Si bien que la mer glauque et l’onde aux plis énormes,
Les gouffres, les écueils, verront l’homme hideux,
Et que Léviathan dira : Nous sommes deux !