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XV

Oh ! l’essence de Dieu, c’est d’aimer. L’homme croit Que Dieu n’est, comme lui, qu’une âme, et qu’il s’isole De l’univers, poussière immense qui s’envole ; Mais moi, l’ennemi triste et l’éternel moqueur, Je le sais, Dieu n’est pas une âme, c’est un cœur. Dieu, centre aimant du monde, à ses fibres divines Rattache tous les fils de toutes les racines, Et sa tendresse égale un ver au séraphin ; Et c’est l’étonnement des espaces sans fin Que ce cœur effrayant, blasphémé par les prêtres, Ait autant de rayons que l’univers a d’êtres. Pour lui créer, penser, méditer, animer, Semer, détruire, faire, être, voir, c’est aimer. Splendide, il aime, et c’est par reflux qu’on l’adore ; Tout en lui roule ; il tient à la nuit par l’aurore, Aux esprits par l’idée, aux fleurs par le parfum ; Et ce cœur dans son gouffre a l’infini, moins un. Moins Satan, à jamais rejeté, damné, morne. Dieu m’excepte. Il finit à moi. Je suis sa borne. Dieu serait infini si je n’existais