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Le givre est dans ses os, le givre est sur sa tête ;
L’horreur pétrifiée autour de lui s’arrête ;
Sa sinistre attitude effare l’infini ;
Dur, morne, il est glacé, c’est-à-dire banni ;
La terre sous ses pieds, de ténèbres vêtue,
Se tait ; il est la blanche et muette statue
Debout sur ce tombeau dans l’éternelle nuit ;
Jamais une lueur, un mouvement, un bruit
N’effleurent le géant, seul sous de sombres voiles.
Quand, à tous ces cadrans qu’on nomme les étoiles,
L’heure du dernier jour sans terme et sans milieu
Sonnera, la clarté de la face de Dieu
Dégèlera le spectre, et tout à coup sa bouche
Se gonflera d’un pli formidable et farouche,
Et les mondes, esquifs roulant sans aviron,
Entendront l’ouragan sortir de son clairon.

Jamais l’essaim chantant des paradis n’approche
Cette âme du silence et du deuil, faite roche,
Geôlière des cieux morts et des firmaments noirs ;
Ce brouillard gris, pareil à la chute des soirs,
Fait peur aux chérubins extasiés et tendres ;
Les neiges, cette forme effroyable des cendres,
Font de cet horizon, dont l’aube hait le seuil,
Quelque chose qui semble un dedans de cercueil.

L’ange-vierge, à travers les glaciers blancs décombres,
Vola droit au géant, seul dans ces déserts sombres
Dont le jour ne veut pas et qu’il n’a pas reçus.