Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/305

Cette page n’a pas encore été corrigée



Puis, il montra du doigt un point noir dans l’espace,
C’était la terre.

                      - Va, dit-il. Le triste enfer
Touche à ce monde et là tu trouveras l’hiver.

Et l’ange Liberté, telle qu’un jet de fronde,
Partit, et vit grandir la sphère obscure et ronde,
Et, superbe, et bravant la bise et le mistral,
S’abattit sur la terre à l’endroit sépulcral.

Dans ce cercle effrayant que les glaciers enserrent,
Au fond du désert blême où jamais ne passèrent
Les Colomb, les Gama, ces lumineux sondeurs,
Dans ces obscurités et dans ces profondeurs
Sur la création par le néant conquises,
Au-delà des spitzbergs, des flots et des banquises,
Au centre de la brume où tout rayon finit,
Loin du jour, dans l’eau marbre et dans la mer granit,
Le sombre archange Hiver se dresse sur le pôle ;
La trompette à la bouche et l’ombre sur l’épaule,
Il est là, sans qu’il sorte, au milieu de ce deuil,
De son clairon un souffle, un éclair de son œil ;
Il ne rêve pas même, étant un bloc de neige ;
Les vents ailés, pareils à l’oiseau pris au piège,
Sont dans sa main, captifs du silence éternel ;
Son œil éteint regarde affreusement le ciel ;