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Chaque pulsation de la fièvre du monde.
Mon ouïe est le centre où se répète et gronde
Tout le bruit ténébreux dans l’étendue épars ;
J’entends l’ombre. O tourment ; le mal de toutes parts
M’apporte en mon cachot son âpre joie aiguë ;
J’entends glisser l’aspic et croître la ciguë ;
Le mal pèse sur moi du zénith au nadir ;
La mer a beau hurler, l’avalanche bondir,
L’orage entreheurter les foudres qu’il secoue,
L’éclatant zodiaque a beau tourner sa roue
De constellations, sombre meule des cieux,
A travers le fracas vaste et prodigieux
Des astres dont parfois le groupe énorme penche,
A travers l’océan, la foudre et l’avalanche
Roulant du haut des monts parmi les sapins verts,
J’entends le pas d’un crime au bout de l’univers.
La parole qu’on dit tout bas, qui n’est pas vraie,
L’obscur tressaillement du blé qu’étreint l’ivraie,
La gangrène qui vient mordre la plaie à vif,
Le chuchotement sourd des flots noyant l’esquif,
Le silence du chien près du nid de la grive,
J’entends tout, je n’échappe à rien, et tout m’arrive
A la fois dans ce bagne où je suis submergé ;
Tous les fléaux en moi retentissent ; et j’ai
Le contre-coup de tous les monstres ; et je songe,
Ecoutant la fureur, la chute, le mensonge
De toute cette race immonde de Japhet ;
Je distingue le bruit mystérieux que fait
Dans une conscience un forfait qu’on décide ;
O nuit ! j’entends Néron devenir parricide.