Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/236

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le ciel était dissous dans une âcre vapeur
Où l’on ne sentait rien sinon qu’on avait peur ;
Partout la cécité, la stupeur, une fuite
De la vie, éclipsée, effrayée, ou détruite ;
Linceul sur Josaphat, suaire sur Sion ;
L’ombre immense avait l’air d’une accusation ;
Le monde était couvert d’une nuit infamante ;
C’était l’accablement plus noir que la tourmente ;
Pas une flamme, pas un souffle, pas un bruit.
Pour l’œil de l’âme, avec ces lettres de la nuit
Qui rendent la pensée insondable lisible,
Une main écrivait au fond de l’invisible :
Responsabilité de l’homme devant Dieu.
Le silence, l’espace obscur, l’heure, le lieu,
Le roc, le sang, la croix, les clous, semblaient des juges ;
Et Barabbas, devant cette ombre sans refuges
Frémit comme devant la face de la loi,
Et, regardant le ciel, lui dit : ce n’est pas moi ;

Puis, fantôme lui-même en cette nuit stagnante,
Larve tout effarée et toute frissonnante,
Pâle, il se rapprocha lentement du gibet ;
Et, tout en y marchant, craintif, il se courbait,
Plus chancelant qu’un mât sur la vague mouvante,
Fauve, et comme attiré, malgré son épouvante,
Par l’espèce de jour qui sortait de ce mort.
Spectre, il montait, avec une sorte d’effort,
Vers l’autre spectre, vague ainsi qu’un crépuscule ;
Et cet homme avançait de l’air dont on recule,