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L’enfer est tout entier dans ce mot : Solitude.
« Avec tous les remords qui sont l’inquiétude
« Et le deuil de la terre, et dont il est l’aïeul,
« Dans l’effrayant cachot des nuits, Satan est seul.
« Le rocher qui le mure est fait avec du crime ;
« Les autres condamnés sont dans un autre abîme ;
« Il peut les torturer, mais il ne peut les voir.
« Seul, toujours seul, il est aveugle dans le noir.
« En lui, hors de lui, l’ombre. Il regarde, il se hausse,
« Il cherche ; il n’a pas même une hydre dans sa fosse ;
« Une hydre, ce serait quelqu’un. L’ange damné
« Vole et rôde, et, hagard, voudrait n’être pas né.
« Si les bêtes voyaient son cloaque, cet antre
« Ferait ramper les loups frémissants à plat ventre,
« Trembler le tigre, et fuir les hiboux aux yeux ronds.
« A chaque mouvement de ses lourds ailerons,
« Pendant qu’il plane, il sort du monstre des fumées ;
« Elles montent sur terre, et ce sont des armées ;
« Elles montent sur terre, et, dans nos régions,
« Ce sont des lois, des mœurs et des religions ;
« Elles montent sur terre et prennent des figures
« De rois, de conquérants, de pontifes, d’augures ;
« Et l’on entend le cri des hommes sous le pied
« D’un Satan Dieu qui règne et dans la nuit s’assied,
« Fantôme ressemblant au spectre des ténèbres ;
« Et, triomphants, sacrés, grands, illustres, célèbres,
« Des vampires, la mitre ou le laurier au front,
« Elevant jusqu’au ciel une gloire d’affront,
« Disent : Je suis le Dogme, et je me nomme Empire.
« Et cent fléaux, fatals, noirs, dont l’homme est le pire,
«