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fondus à tort avec les morisques d’Espagne et les morisques de Chine. Les morisques d’Espagne étaient faux monnayeurs, les morisques de Chine étaient filous. Rien de pareil chez les comprachicos. C’étaient d’honnêtes gens. Qu’on en pense ce qu’on voudra, ils étaient parfois sincèrement scrupuleux. Ils poussaient une porte, entraient, marchandaient un enfant, payaient et l’emportaient. Cela se faisait correctement.

Ils étaient de tous les pays. Sous ce nom, comprachicos, fraternisaient des anglais, des français, des castillans, des allemands, des italiens. Une même pensée, une même superstition, l’exploitation en commun d’un même métier, font de ces fusions. Dans cette fraternité de bandits, des levantins représentaient l’Orient, des ponantais représentaient l’Occident. Force basques y dialoguaient avec force irlandais ; le basque et l’irlandais se comprennent, ils parlent le vieux jargon punique ; ajoutez à cela les relations intimes de l’Irlande catholique avec la catholique Espagne. Relations telles qu’elles ont fini par faire pendre à Londres presque un roi d’Irlande, le lord gallois de Brany, ce qui a produit le comté de Letrim.