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je nourrisse ce glouton en croissance ! Ce sera un ver solitaire que j’aurai dans le ventre de mon industrie.

Il étala, toujours d’un seul bras, et de son mieux, la peau d’ours sur le coffre, avec des efforts de coude et des ménagements de mouvements pour ne point secouer le commencement de sommeil de la petite fille. Puis il la déposa sur la fourrure, du côté le plus proche du feu.

Cela fait, il mit la fiole vide sur le poêle, et s’écria :

— C’est moi qui ai soif !

Il regarda dans le pot ; il y restait quelques bonnes gorgées de lait ; il approcha le pot de ses lèvres. Au moment où il allait boire, son œil tomba sur la petite fille. Il remit le pot sur le poêle, prit la fiole, la déboucha, y vida ce qui restait de lait, juste assez pour l’emplir, replaça l’éponge, et reficela le linge sur l’éponge autour du goulot.

— J’ai tout de même faim et soif, reprit-il.

Et il ajouta :

— Quand on ne peut pas manger du pain, on boit de l’eau.