Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la grande vie du hasard. Il avait beaucoup d’industrie et d’arrière-pensée et un grand art en toute chose pour guérir, opérer, tirer les gens de maladie, et accomplir des particularités surprenantes ; il était considéré comme bon saltimbanque et bon médecin ; il passait aussi, on le comprend, pour magicien ; un peu, pas trop ; car il était malsain à cette époque d’être cru ami du diable. À vrai dire, Ursus, par passion de pharmacie et amour des plantes, s’exposait, vu qu’il allait souvent cueillir des herbes dans les fourrés bourrus où sont les salades de Lucifer, et où l’on risque, comme l’a constaté le conseiller De l’Ancre, de rencontrer dans la brouée du soir un homme qui sort de terre, « borgne de l’œil droit, sans manteau, l’épée au côté, pieds nus et deschaux ». Ursus du reste, quoique d’allure et de tempérament bizarres, était trop galant homme pour attirer ou chasser la grêle, faire paraître des faces, tuer un homme du tourment de trop danser, suggérer des songes clairs ou tristes et pleins d’effroi, et faire naître des coqs à quatre ailes ; il n’avait pas de ces méchancetés-là. Il était incapable de certaines abominations. Comme, par