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— Il n’y a plus de vent.

Le vent en effet les avait quittés. La tempête s’en était allée, et ce départ, qu’ils avaient pris pour leur salut, était leur perte. Le suroit en persistant les eût frénétiquement poussés quelque rivage, eût gagné de vitesse la voie d’eau, les eût portés peut-être à un bon banc de sable propice, et les eût échoués avant qu’ils eussent sombré. Le rapide emportement de l’orage eût pu leur faire prendre terre. Point de vent, plus d’espoir. Ils mouraient de l’absence d’ouragan.

La situation suprême apparaissait.

Le vent, la grêle, la bourrasque, le tourbillon, sont des combattants désordonnés qu’on peut vaincre. La tempête peut être prise au défaut de l’armure. On a des ressources contre la violence qui se découvre sans cesse, se meut à faux, et frappe souvent à côté. Mais rien à faire contre le calme. Pas un relief qu’on puisse saisir.

Les vents sont une attaque de cosaques ; tenez bon, cela se disperse. Le calme, c’est la tenaille du bourreau.

L’eau, sans hâte, mais sans interruption, irrésistible et lourde, montait dans la cale, et, à me-